La secte Boko Haram, qui a frappé plusieurs églises le soir de Noël, leur donne trois jours pour quitter le nord du pays.
La peur d'une guerre de religion au Nigeria s'accentue. Tout le week-end le ton est dangereusement monté. Mis sous pression pour mettre fin au cycle d'attaques et de représailles entre communautés chrétiennes et musulmanes qui ensanglante le nord du pays, le président Goodluck Jonathan a réagi, décrétant dimanche l'état d'urgence dans les zones touchées par les violences. Dans son discours, le chef de l'État a juré «d'écraser»Boko Haram, un groupe islamiste à l'origine d'attentats contre des églises qui ont fait plus de 50 morts le soir de Noël. Abou Qaqa, un porte-parole de la secte, a répliqué, fixant un ultimatum de trois jours aux chrétiens pour quitter le nord du pays et promettant d'affronter l'armée.
Lundi, dans la matinée, des militaires appuyés par des blindés patrouillaient dans les rues de Maiduguri, capitale de l'État de Borno et berceau de Boko Haram. «Nous redoutons ce qui pourrait arriver», a confié à Reuters un habitant de la ville Buda Guduf. Non sans raison. L'armée nigériane est connue pour son manque de discernement, ses opérations de maintien de l'ordre faisant régulièrement plus de morts que les émeutes elles-mêmes. Abuja, la capitale, ne l'ignore pas, pas plus qu'elle n'ignore que ce bras de fer est souhaité par Boko Haram qui n'a de cesse d'exciter les tensions religieuses. «Nous trouvons pertinent de souligner que les soldats ne tueront que des musulmans», a d'ailleurs insisté Abou Qaqa.
Mais le pouvoir fédéral ne semble plus disposer d'autres solutions que la manière forte. Ces derniers mois, la présidence a vainement tenté de tendre la main et de mettre en place une politique de la carotte et du bâton. Au résultat, l'année 2011 fut l'une des plus violentes, avec de multiples affrontements religieux qui ont fait plusieurs centaines de morts et des dizaines de milliers de déplacés et placé le nord du Nigeria dans un état de quasi-guerre civile, menaçant la stabilité du géant de l'Afrique où cohabitent 80 millions de musulmans et autant de chrétiens. Pour plusieurs experts, cette tentative d'ouverture est sans doute arrivée trop tard, alors qu'elle n'était plus crédible.
Fanatisme religieux
En 2009, le pouvoir fédéral avait en effet lancé une première campagne de répression contre Boko Haram, tuant des dizaines de ses sympathisants. Le quartier général du groupe avait été rasé et son leader Mahammad Yusuf arrêté et tué. Rejeté dans la clandestinité, Boko Haram s'est divisé et radicalisé plus encore. Selon plusieurs services secrets occidentaux, certains de ces membres ont noué des relations avec les islamistes d'al-Shabab en Somalie et d'al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Depuis, les attentats se sont multipliés et leurs techniques s'est «professionnalisée».
Dès lors beaucoup doutent de la réussite de la nouvelle campagne de répression qui s'ouvre. D'autant que si le fanatisme religieux de Boko Haram ne fait aujourd'hui pas de doute, sa naissance et les soutiens dont elle bénéficie sont aussi le signe de la frustration des élites politiques du Nord, marginalisées depuis l'instauration de la démocratie au Nigeria, en 1999. Or, l'élection l'an dernier de Goodluck Jonathan, un chrétien, pour remplacer le musulman Umaru Yar'Adua décédé n'a en rien apaisé les choses.
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